Usage de la reconnaissance faciale : « Si c’est vrai, c’est un camouflet », dénonce cette sénatrice bretonne

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Le ministère de l’intérieur utilise-t-il, depuis huit ans, un outil de reconnaissance faciale de manière massive, dans le secret et en dehors de tout cadre légal ? C’est ce qu’affirme une enquête du site d’investigation Disclose, parue mardi 14 novembre, sur la base, notamment, de documents internes du ministère de l’Intérieur. C’est aussi ce que va devoir établir la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) qui a initié une procédure de contrôle des services de la place Beauvau dans la foulée de ces révélations. Et c’est ce qui inquiète plusieurs parlementaires, parmi lesquels figure la sénatrice d’Ille-et-Vilaine Sylvie Robert, également administratrice de la Cnil.

Expérimenté sous Hollande

Selon Disclose, la police a acquis un logiciel d’analyse d’images de vidéosurveillance auprès de la société israélienne Briefcam. Celui-ci est destiné à effectuer de la vidéosurveillance algorithmique (VSA), une technologie qui permet d’analyser les images captées et d’y détecter des situations jugées « anormales ». Un procédé autorisé en vue des JO pour prévenir des mouvements de foule ou des risques d’attentat, mais très encadré. Subtilité : certains de ces outils disposent aussi de la faculté de procéder, en quelques clics, à de la reconnaissance faciale. Une technique ultra-intrusive interdite par la loi française.

Le recours à cet outil a été mis en place en 2015, sous François Hollande, quand Bernard Cazeneuve était ministre de l’Intérieur. À l’époque, il était destiné à être expérimenté en Seine-et-Marne. En 2017, l’expérimentation a été étendue au Rhône, au Nord, aux Alpes-Maritimes et la Haute-Garonne, ainsi que pour « le service interministériel d’assistance technique (SIAT), une unité de police en charge des infiltrations, de la mise sur écoute et de la surveillance de la grande criminalité », précise Disclose. « Dans la foulée, ce sont les services de la police judiciaire, les préfectures de police de Paris et Marseille, la sûreté publique et la gendarmerie nationale qui vont être dotés du logiciel de Briefcam sur des ordinateurs dédiés ».

« Il semble préférable de ne pas en parler »

Un déploiement massif qui s’est fait, selon le média en ligne, en dehors du cadre légal prévu par une directive européenne et la loi française. Avant d’utiliser cette technologie, le ministère aurait dû mener une analyse d’impact relative à la protection des données et la remettre à la Cnil. Or, la Direction générale de la Police nationale (DGPN) n’avait pas réalisé cette étude en mai 2023, ni averti la Cnil. Fin 2020, une source, citée par Disclose et présentée comme un cadre de la police, invitait d’ailleurs ses troupes à la discrétion sur le sujet. « Certains services ont l’outil Briefcam, mais celui-ci n’étant pas déclaré à la Cnil, il semble préférable de ne pas en parler ». Ou encore ce message envoyé quelques mois plus tard par un autre gradé, rappelant que « sur le plan juridique (…) l’application Briefcam n’a jamais été déclarée par la DGPN ».

« Accepter une part de risque »

Une situation d’autant plus étonnante que Gérald Darmanin et ses collègues du gouvernement ont réitéré à plusieurs reprises leur opposition à la reconnaissance faciale, y compris lors de l’examen du texte sur les jeux olympiques où la question d’introduire cette technologie s’était de nouveau posée. « Pour un événement olympique, comme pour tout événement, je ne suis pas sûr qu’il faille la reconnaissance faciale, avait indiqué Gérald Darmanin le 22 octobre 2022 devant les sénateurs. Cela pose la question de quel type de société on veut. Il faut aussi accepter une part de risque – l’endroit où il n’y a aucun risque, ce n’est pas très rassurant d’un point de vue démocratique. On peut avoir ce débat, mais sur la reconnaissance faciale, je ne suis pas sûr qu’on ait aujourd’hui les moyens de garantir que demain, elle ne soit pas utilisée autrement. »

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« Un camouflet pour le Parlement »

Dans ces circonstances, la publication des infos de Disclose a provoqué de vives réactions dans les travées du palais du Luxembourg. « Si elles sont exactes, c’est un camouflet pour le Parlement, regrette la sénatrice Sylvie Robert, vice-présidente PS de la Haute chambre et membre de la Cnil depuis 2016. Apprendre que la police utilise la reconnaissance faciale depuis des années alors qu’on nous a toujours dit le contraire… On a le sentiment d’avoir été pris pour… des crétins. »

Après la publication de l’article, la sénatrice a échangé avec la directrice de la Cnil, qui a annoncé avoir diligenté un contrôle mercredi 15 novembre. « L’objectif est de déterminer la réalité des faits rapportés et de bien savoir de quoi on parle », explique l’élue rennaise, qui a demandé, avec plusieurs de ses collègues, l’organisation d’une audition du ministre de l’Intérieur, pour explication. « C’est un sujet très sensible. Cela concerne nos données, donc nos vies, les libertés publiques mais cela pose aussi des questions de souveraineté épineuse. La société BriefCam n’est même pas européenne. »

Passible de poursuites pénales

Que va-t-il se passer ensuite ? La Quadrature du net, une association de défense des droits et libertés sur Internet, a dénoncé dans un communiqué « des faits passibles du droit pénal ». « Le fait de collecter des données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende », rappelle l’association.

De son côté, la sénatrice reste prudente dans l’attente des conclusions de la Cnil. « J’espère que celui-ci va aller vite. » Sylvie Robert craint-elle une légalisation du dispositif a posteriori, comme l’a été l’usage des drones en matière de sécurité publique ? « Sur un sujet aussi sensible, dans le contexte où nous sommes, je ne le crois pas, tempère l’élue. Il y aura forcément un débat. Nous serons très attentifs au développement de la situation. »

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