Train, tramway, poste : il y a cent ans, des services publics « incroyables » dans ce village breton

C’est un petit document jauni d’une trentaine de pages, qui offre un témoignage rare sur ce qu’était la vie dans la campagne bretonne au début du XX^e siècle. Louis Pautrel, maire de Le Ferré, un village de 700 habitants du pays de Fougères (Ille-et-Vilaine), a retrouvé en mai 2024 un exemplaire de l’« annuaire Henri-Rebuffé », que lui a offert une habitante du bourg.

Le petit livre dresse le portrait de plusieurs communes du pays de Fougères – « Fougères et sa banlieue », comme l’explique le titre – en reprenant dans le détail ce qui compte dans la vie du bourg, des différents commerces aux services, en passant par les notables, le curé ou encore la société de mutuelle locale.

L’annuaire Henri-Rebuffé, datant de 1908, qui recense de nombreuses communes du pays de Fougères (Ille-et-Vilaine). Ouest-France

On apprend ainsi qu’à l’époque, Le Ferré comptait presque deux fois plus d’habitants qu’aujourd’hui (1 237, pour être précis), la campagne bretonne n’ayant pas encore connu l’exode rural d’après la Première Guerre mondiale. « Il y avait aussi beaucoup de familles nombreuses, avec six, huit, parfois dix enfants », note Louis Pautrel, qui s’est passionné pour l’histoire du village.

Le train à 10 km, le tramway à 4 km

Surtout, l’annuaire Henri-Rebuffé recense des services bien difficiles à imaginer aujourd’hui dans ce territoire rural. On apprend ainsi que le tramway le plus proche passe à Saint-James, à 4 km, et que la gare de train était située à 10 km, à Villamée. On voit aussi qu’il y avait « deux distributions journalières » du facteur, qui passait une première fois à 7 h 30 et une seconde fois à 17 h 30.

Le village de Le Ferré, dans le pays de Fougères (Ille-et-Vilaine). Ouest-France

« En termes de services publics, c’était incroyable, sourit Louis Pautrel, qui est par ailleurs vice-président de l’association des maires ruraux de France. Le facteur qui passe deux fois par jour, le train à 10 km, quand on pense aux difficultés qu’on connaît aujourd’hui, comme beaucoup de territoires ruraux. » La dernière ligne de train qui passait par le pays de Fougères a été fermée dans les années 1980 et les élus demandent la création d’une nouvelle ligne, pour relier Rennes à Caen. Sans succès pour l’instant.

La longue liste des métiers et des commerces à Le Ferré, en 1908. Ouest-France

Autre découverte étonnante dans ce guide du début du XX^e siècle : la longue liste des métiers et des commerces à Le Ferré. On apprend ainsi qu’en 1908, il y avait dans le bourg pas moins de sept épiciers, six cafés, deux marchands de beurre, un boulanger, deux coiffeurs, deux hôtels et un restaurant, un drapier, trois cordonniers, trois modistes (fabricants de chapeaux), un tailleur d’habits, sans oublier les meuniers, maçons, scieurs, couvreurs ou encore « cultivateurs », comme étaient appelés à l’époque les agriculteurs…

« Le fossé est énorme »

Une liste à la Prévert qui a sidéré Louis Pautrel quand il l’a découverte. « Il y a des choses que je savais mais, honnêtement, je ne pensais pas à tout ça, souffle le maire. Deux coiffeurs, ce n’est pas rien, quand on sait qu’il n’y en a plus ici désormais. Avec tous ces commerces sur place, on pouvait imaginer une vie locale dynamique, un certain équilibre. Aujourd’hui, on parle de circuits courts, mais à l’époque, ça existait vraiment et pas seulement dans l’alimentaire. »

Le village de Le Ferré, dans le pays de Fougères (Ille-et-Vilaine). Ouest-France

L’édile rappelle qu’à l’époque, les habitants se retrouvaient pour faire les « commissions » dans le village, ou pour la messe du dimanche, avant d’aller boire un verre au café. « Il n’y avait pas les moyens de communication d’aujourd’hui, mais les gens se parlaient, discutaient, poursuit-il. Notre modernité et notre confort a rompu beaucoup de liens sociaux. Il ne s’agit pas de regretter la vie en 1908, mais de constater la transformation de notre société. On est passés il y a un siècle d’une commune où il y avait tous les commerces à une société où on commande ses courses sur Internet. Le fossé est énorme. »