De manière générale, le psychologue constate une évolution de la société dans son rapport à la violence qui n’épargne pas les jeunes en comparant les grands délinquants examinés il y a 30-35 ans à ceux d’aujourd’hui. « Avant, il y avait un code de l’honneur et très peu de violence réelle. Ils braquaient des banques avec un pistolet à eau. Aujourd’hui, la personnalité n’est pas du tout la même, ils sont armés, les armes sont chargées, la victime n’existe pas en tant que sujet, donc il n’y a aucune culpabilité, aucun regret, à part les effets d’annonce dans les procès ».
« Quand je vois des jeunes qui ont violenté ou tué, huit ou neuf mois après les faits, il y a la plupart du temps la mise en place d’un discours mais pas d’un travail de culpabilité. Ils n’ont pas encore vraiment mesuré la gravité de leur acte »
2. Un détachement de l’auteur par rapport aux faits
La culpabilité et les regrets peuvent survenir très tardivement après les faits, même lorsqu’ils sont graves… s’ils surviennent. « Quand je vois des jeunes qui ont violenté ou tué, huit ou neuf mois après les faits, il y a la plupart du temps la mise en place d’un discours mais pas d’un travail de culpabilité. Ils n’ont pas encore vraiment mesuré la gravité de leur acte. »
Selon Jean-Luc Ployé, il y a un manque d’étanchéité entre le réel et le virtuel. Le clinicien va même jusqu’à évoquer une « altération du discernement » chez les jeunes (lire par ailleurs) sur le plan social. Il évoque une affaire à Mourmelon (Marne), en juin 2018. « Une adolescente avait commandité un assassinat, elle avait fait en sorte de manipuler un adolescent pour qu’il en poignarde un autre. En examinant les deux assassins et la famille de la victime, je m’étais rendu compte que le mode opératoire du passage à l’acte était une copie conforme d’un jeu de rôle auquel les adolescents avaient joué trois ou quatre semaines avant. »
« Les ados ont totalement intégré ce que j’appelle la mort spectacle ou la violence spectacle. Non seulement, maintenant, il y a une violence exercée, partagée, mais elle est aussi filmée »
3. Le problème des écrans et des réseaux sociaux
Pour Jean-Luc Ployé, une des explications du déchaînement de violence chez les jeunes réside notamment dans les écrans. « Un adolescent qui va tuer à la Kalachnikov dans un jeu, il va absorber ça. C’est pareil pour la pornographie ou pour les vidéos de décapitation liées à la radicalisation qu’ils trouvent sur internet et qui les fascinent. Le problème, c’est qu’ils ne discriminent pas et ne communiquent pas autour de ce qu’ils voient ».
Le psychologue ajoute : « Les ados ont totalement intégré ce que j’appelle la mort spectacle ou la violence spectacle. Non seulement, maintenant, il y a une violence exercée, partagée, mais elle est aussi filmée ». À la moindre frustration, toute cette violence absorbée va ressortir sans qu’ils ne se rendent compte que, là, c’est la réalité.
Les réseaux sociaux, plus particulièrement, vont alimenter cette violence chez les jeunes. « Depuis 2017-2018, je constate de plus en plus de demandes d’expertises de victimes potentielles d’agressions, soit physiques soit sexuelles, au niveau des adolescents ». C’est un lieu où sont tendus des pièges à des jeunes filles en mal de reconnaissance et où le harcèlement scolaire s’exerce.
C’est un lieu où le rejet des personnes qui ne font pas partie de « notre groupe d’appartenance » va s’exprimer. Jean-Luc Ployé illustre : « Un ado qui va s’orienter sexuellement, il est assez ambivalent dans un premier temps, il ne sait pas trop de quel côté il va aller. Sur les réseaux, on voit un rejet des personnes “trans” chez les jeunes, c’est terrible ». Et avec cette impression d’être intouchable, de pouvoir exercer cette violence en toute impunité, derrière son écran.
4. La volonté d’appartenir à un groupe
Cette notion du « groupe d’appartenance » apparaît primordiale au psychologue dans le déploiement de cette violence chez les jeunes. « Il y a quinze ou vingt ans, le groupe d’appartenance, c’était de porter les mêmes habits de marque que son camarade. Maintenant, ça ne se passe pas du tout comme ça. Maintenant, c’est la violence qui prédomine dans la recherche identitaire. » Il ajoute : « Il y a une espèce de solidarité même si un ado ne commet pas tel ou tel fait de violence, il ne va pas être dans le registre de la moralité vis-à-vis de ces faits ».
Dans certains quartiers où les trafics de drogue peuvent être importants, il est aussi parfois difficile pour un jeune de ne pas participer à ces faits de délinquance qui peuvent être violents car « sinon, on sort du groupe ». Et ce besoin d’appartenance à un groupe peut être alimenté par un manque de communication entre les enfants et les parents.
5. Le rôle de l’environnement familial
« Je m’interroge vraiment sur la qualité de la relation entre les parents et les enfants », commente le psychologue. Là encore, Jean-Luc Ployé jette la faute sur les écrans. « Selon une étude récente, les adolescents passent environ 5 h 30 sur les écrans par jour et je ne suis pas persuadé qu’ils ont bien intégré la nuit. » En parallèle, « statistiquement, les adolescents passent 12 minutes par jour à communiquer avec leurs parents ».
Il cite l’exemple du repas du soir où la télé va être allumée, le portable posé sur la table. Tant les enfants que les parents vont être absorbés par les écrans. Ici, on ne discute pas de ce qu’on a pu entendre à l’école, voire sur les réseaux sociaux, etc. Les adolescents sont confrontés à des images violentes, sans que des adultes ne les aident à prendre du recul et à faire la part des choses « entre le bien et le mal ».
Au-delà de cette nécessaire communication, il y a aussi la notion d’exemplarité. « Le comportement des parents peut contribuer à la banalisation de cette violence », si un enfant évolue dans un environnement incestueux ou un environnement où il y a des violences conjugales, il peut reproduire par la suite. Le système d’emprise qui opère dans le cadre des violences conjugales chez les adultes peut aussi intervenir très tôt dans les relations amoureuses adolescentes.
6. Les conséquences du confinement
Jean-Luc Ployé souligne enfin les conséquences du confinement sur la violence chez les jeunes, un moment où ils étaient plus que jamais confrontés aux écrans et où l’enfermement a alimenté une grande frustration. « Depuis le confinement, la violence chez les jeunes a augmenté, même les violences envers eux-mêmes avec des cas plus importants de suicide ou d’automutilation ».
*Nahel, un automobiliste âgé de 17 ans, a été tué le 27 juin 2023 à Nanterre (Hauts-de-Seine) par un policier après un refus d’obtempérer.Cet article, qui traite du thème « Ille-et-Vilaine numérique », vous est délibérément offert par web-ille-et-vilaine.com. La raison d’être de web-ille-et-vilaine.com est de parler de Ille-et-Vilaine numérique dans la transparence la plus générale en vous procurant la visibilité de tout ce qui est publié sur ce sujet sur le web La chronique a été générée de la manière la plus honnête que possible. S’il advenait que vous projetez d’apporter quelques notes concernant le domaine de « Ille-et-Vilaine numérique » vous avez la possibilité de d’échanger avec notre rédaction. Dans peu de temps, on mettra en ligne d’autres informations pertinentes autour du sujet « Ille-et-Vilaine numérique ». Ainsi, consultez régulièrement notre site.