PMU : Le SpOt, une machine « qui crée des gagnants » contre les turfistes à l’ancienne

Il n’a ni couleur ni odeur. Difficilement curable, il se repère pourtant en un seul coup d’œil. On peut le pister au bruit, sorte de clameur où les explosions de joie recouvrent (presque) les insultes. Le virus du jeu hippique a frappé l’hippodrome d’Enghien voilà bien longtemps. Mais, à voir les grappes de passionnés venus assister à une réunion de huit courses en plein milieu du mois d’août dans le Val-d’Oise, on parierait que la souche est encore bien vivace.

Comme les chevaux prêts à s’élancer, au trot attelé ou monté, on retrouve chez les parieurs une faune diverse et complémentaire. Ici, les turfistes expérimentés qui reniflent les bons coups en lisant Paris Turf, la bible des paris hippiques. Là, les jeunes fougueux ayant explosé le compteur des 10.000 pas par jour à force de piétiner frénétiquement la dalle du hall de l’hippodrome.

Quelques minutes avant le deuxième départ, programmé à 14h05, les turfistes s’empressent de « faire le papier », c’est-à-dire analyser la course pour trouver la combinaison gagnante. Certains s’affairent au guichet, d’autres optent pour la machine. La machine du PMU justement, se propose de les guider : c’est le SpOt, « un pari sur les autres qui tient compte des paris préalablement enregistrés jusqu’au départ de la course », détaille l’entreprise de paris sportifs.

« Ça me confirme ou pas dans mon idée »

Ce fameux SpOt, créé à partir de l’intelligence humaine et mis en place depuis 2001, compte son armée de défenseurs et de détracteurs. Sami, originaire de Franconville, jure d’abord que l’outil ne l’intéresse pas. « Je ne fais pas souvent de combinaison, je mise sur un cheval, gagnant ou placé », lance-t-il tout sourire, en train de dévorer un sandwich au thon. Avant d’avouer que la machine l’aide quand même bien sur le Quinté, où il faut sélectionner cinq canassons. « Franchement, c’est dur de trouver autant de chevaux, dans ce cas je laisse la machine jouer. Mais ça marche jamais, il en manque toujours un », soupire le quadragénaire.

Un driver et son cheval à l'échauffement à l'hippodrome d'Enghien, le 17 août 2023.
Un driver et son cheval à l’échauffement à l’hippodrome d’Enghien, le 17 août 2023. – Octave Odola

« Qu’est-ce que c’est que ces courses, aujourd’hui, c’est décourageant », déplore un turfiste, casquette sur la tête et mine renfrognée. A l’instant, Indulgente, une jument âgée de 5 ans, vient de l’emporter au terme de presque 3 kilomètres de trot attelé. Zacharie, lui, fixe l’écran, placide. D’habitude, il préfère les hippodromes Auteuil et Longchamp à Enghien, mais le manque de courses pendant la saison estivale l’a contraint à se rabattre à Enghien. Comme Sami, il dit laisser la machine lui donner une combinaison en cas de Quinté, plus dur à « déchiffrer ». Avec une nuance. « Parfois, je fais un ticket SpOt peu de temps avant le départ, pour voir ce qu’il donne à l’arrivée. Ça me confirme ou pas dans mon idée », confie le trentenaire.

Avec son béret gris, son blazer, ses mocassins rouge et son pantalon bordeaux, sans oublier ses jumelles en bandoulière, Claude est tombé dans la marmite du turf quand il était petit. A l’évocation de la machine, il coupe court. « Je suis juste là pour gagner trois sous, je préfère chercher par moi-même et regarder la performance des chevaux ».

Une formule qui « crée des gagnants » selon le PMU

En janvier dernier, le PMU a boosté son outil, en effectuant une mise à jour pour les parieurs toutes les dix minutes, au lieu de vingt minutes précédemment. « Il fonctionne à partir d’une base de tirage pour chaque pari, composée des jeux déjà enregistrés et propose une combinaison de chevaux parmi les chevaux déjà joués manuellement par les autres parieurs ainsi que des chevaux tirés depuis cette base de manière aléatoire. Par exemple sur un Quinté + : si le numéro 7 est joué dans 20 % des cas enregistrés, il sera proposé en spOt dans 20 % des cas », détaille l’entreprise.

« Le turfiste va souvent combiner un SpOt avec un cheval choisi par ses soins. Pour les novices, ça va être plus facile d’accès », commente Annaëlle Muller, une salariée chargée d’aiguiller les parieurs vers les bons coups du jour.  « 1 Quinté sur 3 environ est joué en spOt et sur les près de 200 gagnants à plus de 100.000 euros en 2022, à peu près un tiers d’entre eux avaient joué en Quinté + spOt. Le spOt est un outil utile, il crée des gagnants, il est donc apprécié à sa juste valeur mais ce n’est pas une intelligence artificielle, bien au contraire c’est de l’intelligence humaine », précise le PMU.

Des jockeys de trot monté et leurs montures à Enghien, le 17 août 2023.
Des jockeys de trot monté et leurs montures à Enghien, le 17 août 2023. – Octave Odola

Dans les coursives de l’hippodrome, certains parieurs préfèrent délaisser l’écran géant pour privilégier de petites télévisions isolées. Ne leur parlez pas du franc soleil estival et des transats alignés devant la piste, ce serait hors de propos. Dehors, justement, les quelques turfistes installés dans les gradins semblent plus enclins à la discussion. Michel et Joël, deux copains de courses philosophent, réalistes : « On analyse un peu mais personne ne fait de miracle, on vient surtout là pour se détendre ».

Les deux compères le savent, le SpOt peut rapporter gros, Joël, 70 ans, est justement passé à côté du jackpot il y a quelques années. « Avec la machine, j’avais le Quinté dans l’ordre avec une mise de deux euros, raconte-t-il rêveur. C’était en 2019, j’allais toucher 140.000 euros mais Jean-Michel Bazire (N.D.L.R : un driver, considéré comme « le Zidane du trot ») a fait n’importe quoi. Il y a eu une enquête. Depuis, le SpOt, plus jamais », par superstition surtout, se marre-t-il.

« Un vrai turfiste, il sort ses tripes du ventre »

« Je joue mes jeux, je perds avec ce que j’ai choisi, j’assume mes choix », renchérit Michel, 78 ans. Les commentaires du speaker résonnent dans les haut-parleurs, tandis que la musique des courses envahit les sens à mesure que l’on se rapproche de la piste : les bruits des foulées bondissantes des chevaux de courses, les roues des sulkys, le claquement des rênes du driver.

Accoudé à la rambarde qui sépare la piste du public, Marcel commente la course les yeux rivés sur son ticket. « Le 8 est en tête, ah mince, une enquête », bredouille le turfiste sans émotion apparente. Pour « faire le papier », cet ex-commerçant à la retraite quitte régulièrement le bord de piste, direction les machines, avant de revenir aux premières loges. « Vous avez joué un SpOt ? Ça donne rien ? Ça m’étonne pas », attaque l’homme de 73 ans, ennemi juré de la formule. « Ça fait 50 ans que je joue, je fais pas de SpOt, autrement je vais pas aux courses je reste chez moi », décrit le spécialiste, qui habitait à 18 ans un studio en face de l’hippodrome.

« Ça m’a foutu le virus. Moi je préfère venir en bord de piste, au contact. J’ai des potes, je leur dis pas ce que j’ai joué, je veux être dérouté par personne, décrit-il, un brin théâtral, dans son combo chemise à fleur déboutonnée et lunettes de soleil. Le SpOt, ça m’a jamais effleuré l’esprit, c’est un truc de crevards. Un vrai turfiste, il sort ses tripes du ventre. Sinon, pour jouer à la machine… Autant aller au cinéma. »

La machine, l’automatisation… Autant de tares qui font craindre à certains turfistes de longue date le manque d’interaction entre générations. « Les jeunes ne jouent que sur Internet », déplorait un habitué d’un petit bar d’Ille-et-Vilaine, interrogé par Ouest France. A Enghien, ce jeudi d’été, plusieurs générations de parieurs se côtoient. Ou du moins se croisent. Sans que la machine n’engloutisse les paris personnels, assure le PMU, qui remarque que « l’utilisation du SpOt par les parieurs est globalement stable depuis plus d’une dizaine d’années ».

Sur la piste, deux drivers détendent les chevaux tout en papotant. Marcel revient, nous tend son ticket. Gagnant. Il décoche un sourire, tout en refusant de s’enflammer. « On est toujours mauvais aux courses », ose-t-il, fataliste. Non loin de lui, d’autres parieurs ont le moral en berne. Que peuvent-ils bien ressasser ? On parierait qu’une phrase envahit leurs pensées. « Jour de perte, veille de gain », dicton célèbre popularisé par le cinéma, comme le rappelait BFM TV.

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