« Joueur du Grenier »: 15 ans de nostalgie critique sur YouTube

, « Joueur du Grenier »: 15 ans de nostalgie critique sur YouTube

30 septembre 2009: deux jeunes Perpignanais au chômage publient sur YouTube une pastille humoristique critiquant un vieux jeu vidéo. Près de 15 ans plus tard, le « Joueur du Grenier » est devenu un doudou générationel pour ceux qui ont grandi avec internet.

« J’aime bien être un vieux con », s’amuse auprès de l’AFP Frédéric Molas, 42 ans, assis à côté du canapé où son personnage en chemise jaune s’agace depuis plus de 90 épisodes sur de vieux titres mal conçus ou des dessins animés oubliés des années 90.

Lorsque le « Joueur du Grenier » apparait sur YouTube, le site n’a que quelques années et de premières figures comme Cyprien ou Rémi Gaillard commencent tout juste à y faire leurs armes.

« On est des dinosaures », résume son compère Sébastien Rassiat, au sein du studio qui accueille désormais les tournages de l’émission, en périphérie de Fougères (Ille-et-Vilaine).

« De plus en plus de gens nous écrivent pour nous dire: +J’ai grandi avec vous+. Ca fait à moitié plaisir », plaisante le quadragénaire aux cheveux long, en pleine préparation d’un épisode consacré à un jeu dans l’univers des motards.

Aujourd’hui, leur chaîne principale compte plus de 3,8 millions d’abonnés, tandis qu’une seconde dédiée à des formats différents, « Le Bazar du Grenier », avoisine les 2 millions. En tout, elles cumulent plus de 2 milliards de vues.

« Maintenant, notre public paie des impôts, il a une famille et des enfants », constate Frédéric Molas, tout aussi connu sur internet pour ses mimiques et ses fausses crises de nerfs que pour son franc-parler sur les réseaux sociaux.

– Génération Dorothée –

Pour occuper leurs derniers mois de chômage à l’été 2009, tous deux, qui se sont rencontrés dans une formation en audiovisuel, décident d’abandonner les petits tournages institutionnels qui les font vivre et adaptent un format américain qui vient de naitre sur YouTube: l' »angry review » (en français, la critique énervée).

En résumé: choisir un mauvais jeu vidéo et le critiquer.

Les jeux « Tintin au Tibet » (1995) et « Les Chevaliers du Zodiaque » (1987) sont leurs premières victimes, lors d’épisodes tournés au caméscope dans la chambre d’ado de Frédéric Molas.

Avec la mise en place de la monétisation sur la plateforme américaine puis des partenariats rémunérés, le « Joueur du Grenier » permet aux deux créateurs d’investir dans du matériel et de s’entourer.

Si le concept de l’émission n’a guère évolué en 15 ans, l’équipe s’est professionnalisée: cadreur, monteur, preneur de son… Chaque vidéo peut coûter jusqu’à 10.000 euros à produire et le duo est à la tête d’une société qui emploie 6 personnes.

« A la base, on faisait ça pour s’amuser », se souvient Sébastien Rassiat. « On avait envie de parler des jeux et des dessins animés de notre enfance », rembobine-t-il, disant appartenir à la « génération Club Dorothée ».

– Rétro, boulot, dodo –

Auréolés d’un petit succès en ligne, ils déménagent en Bretagne en 2012 pour rejoindre d’autres vidéastes lancés dans l’aventure YouTube. Un moyen de mutualiser les coûts et d’apparaitre facilement dans les vidéos des uns et des autres.

Douze ans plus tard, Frédéric Molas porte un regard désabusé sur ce qu’est devenue la plateforme, qu’il accuse d’entretenir « des règles floues pour pouvoir censurer à la carte » des vidéos jugées grossières par exemple et de « lentement ressembler à la télé ».

Pour s’émanciper, chacun s’est lancé en parallèle sur la plateforme de streaming Twitch, une façon de s’adresser plus directement à leur public mais aussi de tester d’autres concepts.

Comme commenter d’anciennes émissions télé des années 90. « Toujours dans le rétro, toujours passéiste ! », martèle Sébastien Rassiat.

Dans leur rétro, ils ont également de nombreux créateurs de contenu qui ont fini par jeter l’éponge ou changer de plateforme au fil des ans, épuisés par le cadence de production nécessaire si l’on veut rester populaire. Un phénomène qui s’est accentué ces derniers mois.

« Tant que le public est là, on continuera » assure néanmoins Frédéric Molas.

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