ENTRETIEN. Gérald Darmanin : « L’antisémitisme, le signe d’une société qui ne va pas très bien

Le ministre de l’Intérieur était présent ce vendredi 17 novembre 2023 à l’école de police de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) pour la remise des diplômes de la 269e promotion des gardiens de la paix. Comme il est de coutume, Gérald Darmanin est venu féliciter en personne le major national du concours de gardien de la paix qui a effectué sa formation dans la cité corsaire. Un nordiste, comme lui…

La France est confrontée à une hausse importante des actes antisémites. Comment l’expliquez-vous ?

On aurait pu s’attendre à une vague d’empathie après l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre. Or, finalement, nous devons faire face à une vague d’antisémitisme. C’est le signe d’une société qui ne va pas très bien.

Avez-vous des chiffres actualisés ?

Nous en sommes à 1 780 actes ou événements antisémites depuis le 1er janvier. Fort heureusement, moins de 5 % de coups et blessures grâce, sans doute, à la présence des forces de l’ordre. Ce sont souvent des lettres d’insultes, des apologies du terrorisme, des croix gammées sur des synagogues… Mais il faut faire toujours très attention. Il y a 48 heures, par exemple, nous avons eu en Corse un rabbin qui a été menacé.

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Qui est derrière ces actes ?

Beaucoup de mineurs. Le plus jeune interpellé après un chant nazi dans le métro parisien est âgé de onze ans. Les autres ont entre 13 et 17 ans. C’est donc une vraie question d’éducation et de parents qui est en jeu ici. Sur les quelque six cents interpellés, il y a 120 étrangers adultes, ce n’est donc pas une majorité même si je vais faire procéder à leur expulsion… Paris, ce n’est que 11 % des actes antisémites. Cela veut donc dire qu’un peu partout en France, il y a des propos, beaucoup de haine sur Internet. On a ici plus de 8 000 signalements sur Internet depuis le 7 octobre, dont 300 judiciarisations.

« Il n’y a pas d’importation du conflit en France »

Dimanche, à la marche à Paris, la communauté musulmane était très peu présente. Vous le regrettez ?

Notre sujet est de faire passer l’idée qu’il n’y a pas d’importation du conflit en France. Quand on protège des Français de confession juive, on ne protège pas le gouvernement israélien, on protège des Français. Les Français de confession juive n’ont rien à voir avec la politique de M. Netanyahou ou la colonisation en Cisjordanie. De même, les musulmans en France ne sont pas les responsables des attaques du Hamas.

Observez-vous également une montée des actes islamophobes depuis le 7 octobre ?

Il y a une montée des actes antireligieux en France depuis plusieurs années. En premier contre les juifs, en deuxième contre les chrétiens avec plus de 500 actes depuis le 1er janvier, en troisième contre les musulmans avec plus de 140 actes depuis le début de l’année, avec ici une montée depuis début octobre. Il faut y faire attention. Il n’y a pas de préférence de l’État pour protéger telle ou telle religion : nous les protégeons toutes.

La menace terroriste augmente encore dans ce contexte ?

Notre sujet principal aujourd’hui, c’est ce qu’on appelle le terrorisme « endogène » : le risque de voir des gens qui sont chez nous passer à l’acte. C’est ce que le chercheur Gilles Kepel appelle « le djihadisme d’atmosphère » : les images répétées des enfants morts à Gaza, la diffusion en France d’appels à la haine des juifs ou de prêches violents tenus dans certains pays, des vidéos laissant croire qu’il existerait une islamophobie d’État chez nous, tout cela peut effectivement favoriser le passage à l’acte.

Sur la menace terroriste : « On est mieux protégé en France »

La France est particulièrement menacée ?

Non, le risque est le même partout en Europe. Je dirais même qu’on est mieux protégé en France. On a déjoué 43 attentats depuis 2017 grâce à l’action du président de la République. Regardez ce qui s’est passé en Belgique, en Autriche, en Allemagne… L’interdiction des manifestations, juste après le 7 octobre, a empêché les dérives observées chez certains de nos voisins. En Allemagne, des synagogues ont été attaquées à coups de cocktails Molotov, des gens ont paradé dans les rues en brandissant des drapeaux de Daech…

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« Notre sujet principal aujourd’hui, c’est ce qu’on appelle le terrorisme « endogène » : le risque de voir des gens qui sont chez nous passer à l’acte. » | MATHIS HARPHAM / OUEST-FRANCE
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« Notre sujet principal aujourd’hui, c’est ce qu’on appelle le terrorisme « endogène » : le risque de voir des gens qui sont chez nous passer à l’acte. » | MATHIS HARPHAM / OUEST-FRANCE

Le Sénat a adopté le projet de loi immigration mardi. Une version beaucoup plus dure que celle de l’exécutif. Est-ce un texte « ferme et juste » qui a été voté ?

Le projet de loi proposé par le président de la République prévoit une simplification des procédures permettant d’accélérer les reconduites à la frontière ; une expulsion facilitée des étrangers délinquants ; et une exigence d’intégration, notamment le passage d’un examen de français pour obtenir un titre de séjour long. Le Sénat a validé ces trois grands axes et en a ajouté d’autres. C’est donc un texte très ferme qui a été voté par la chambre haute, mais il est également très juste sur l’intégration. Le Sénat a apporté des modifications notables sur lesquelles nous pouvons être d’accord. Il y a des modifications à apporter sur certaines choses, mais que nous garderons. Et puis, il y a des choses qui n’ont rien à voir avec le texte initial.

La suppression de l’Aide médicale d’État, par exemple ?

L’AME est une question intéressante. C’est tellement vrai que nous avons commandé un rapport sur le sujet pour le début du mois de décembre. Mais cette aide médicale relève du Code de la santé publique, pas de celui des étrangers. Cette suppression, adoptée par le Sénat, sera censurée par le Conseil constitutionnel.

Ce qui signifie que l’AME sera maintenue… jusqu’à nouvel ordre ?

Il y a des discussions budgétaires en ce moment. L’AME peut être modifiée, mais pas dans ce texte immigration.

« Ce serait une belle réussite d’adopter la loi immigration sans 49-3 »

Le Sénat n’a pas voulu de régularisation automatique de sans-papiers travaillant dans des métiers en tension. Il préfère une régularisation au cas par cas. Est-ce qu’un compromis, un entre-deux, vous semble possible sur cette question ?

Je me réjouis que les Français soutiennent très fortement le texte (75 % d’opinion favorable), y compris la régularisation des travailleurs dans ces métiers dits en tension. Il s’agit donc d’une mesure populaire. Les Français distinguent bien l’étranger qui travaille de l’étranger qui commet des actes de délinquance. Je me réjouis que le texte du Sénat contienne une mesure de régularisation des travailleurs. Le compromis, c’est effectivement le juste milieu entre la régularisation automatique et la régularisation au cas par cas. Je soutiendrai ce compromis.

Pensez-vous avoir une majorité à l’Assemblée pour voter ce texte ?

Je le crois. Je vais tout faire pour. Ce serait une belle réussite d’adopter ce texte sans 49-3. Si vous êtes de gauche, vous vous rendez compte qu’il y a des avancées incroyables comme la décision de ne plus mettre de mineurs dans les centres de rétention administratifs, comme la création de cours gratuits pour apprendre le français, comme l’obligation faite aux employeurs de laisser leurs salariés apprendre le français pendant leurs heures de travail, comme le fait de donner un titre de séjour aux victimes des marchands de sommeil… Si vous êtes de droite, le fait de pouvoir expulser plus facilement des étrangers délinquants est une avancée. Comme le fait d’exiger de passer un examen de français pour obtenir un titre de séjour.

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Quel est l’état d’esprit des policiers face à la montée des violences à leur encontre ?

Je les trouve très courageux. Combatifs. Concentrés. Ils font un métier très difficile, pas très bien payé. Ils sont souvent voués aux gémonies dès que quelque chose ne va pas bien, mais on oublie de les remercier pour les centaines de milliers de choses qui se passent bien chaque jour. Je leur redis mon entier soutien pour leur dévouement et je sais que l’immense majorité des Français les soutient aussi.

« La météo sociale est très difficile à deviner »

Les émeutes de l’été sont derrière nous ? Un retour des violences urbaines est-il à craindre ?

Ce qui est très important dans les évènements de l’été, c’est le « rajeunissement » inquiétant des émeutiers. Ce ne sont pas les grands frères ou les trafiquants de drogue qui ont ramené le calme, ce sont les policiers et les gendarmes. En cinq jours. Et en mettant 4 000 personnes en garde à vue. Il n’y a pas d’autre raison. Je pense qu’on n’a pas assez rappelé le rôle des parents et évoqué la question de l’autorité parentale dans cette histoire. Ceux qui éduquent les enfants, ce sont les parents. Pas la société. Ni les policiers. Ce n’est pas leur rôle.

Cinq ans des Gilets jaunes ce samedi, appel à marcher à Nanterre dimanche : week-end à risque pour vous ?

Tous les week-ends sont à risque pour le ministre de l’intérieur, et la météo sociale est très difficile à deviner… On fait notre travail correctement. Y compris en permettant à des manifestants qui nous en veulent de défiler en sécurité. C’est quand même un signe de démocratie très avancée.

La remise en liberté sous contrôle judiciaire du policier auteur du coup de feu mortel à Nanterre n’est-elle pas de nature à relancer les émeutes ?

Je ne commente pas les décisions de justice. Je ne suis ni juge, ni procureur, ni enquêteur. Je vous rappelle que ce policier a été suspendu à ma demande, j’ai eu des propos très clairs dès le début. Il a le droit à la présomption d’innocence. Concernant sa sortie sous contrôle judiciaire, je laisse le juge des libertés et de la détention prendre ses responsabilités. Il faut laisser faire la justice.

Élisabeth Borne et Bruno Le Maire ? « On a eu le temps de s’apprécier et d’identifier nos différences »

La Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) annonce l’ouverture d’une enquête contre le ministère de l’Intérieur. Elle soupçonne la police d’utiliser un logiciel de reconnaissance faciale, depuis 2015, en dehors de tout cadre légal. Qu’en est-il ?

J’ai immédiatement demandé aux directeurs de l’administration de me rendre un rapport me confirmant que nous n’utilisons pas la reconnaissance faciale couplée à la vidéoprotection. Je transmettrai ces éléments à la Cnil. Par ailleurs, j’ai demandé une enquête administrative à ce sujet. Je rendrai publiques les conclusions.

Quelles sont vos relations avec la Première ministre ?

Ça va bien ! Vraiment. Bruno Le Maire, Élisabeth Borne et moi sommes les seuls ministres restés présents aux côtés du Président depuis presque sept ans maintenant. On a eu le temps de s’apprécier et d’identifier nos différences. Je suis un élu local, d’une ville difficile, dans une région ouvrière, je ne suis pas haut fonctionnaire. On ne pense pas tout le temps pareil, on ne partage pas les mêmes convictions sur tout, on n’a pas la même histoire, mais c’est la différence des talents qui fait la qualité et l’efficacité de l’équipe réunie autour d’Emmanuel Macron. Il y a un seul chef, c’est le président de la République. On laisse de côté nos différences légitimes pour servir le pays. On vit des moments très difficiles, alors que les crises internationales n’ont jamais eu autant de conséquences pour les Français. Et je pense qu’ils voient qu’on est au travail.

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